Usufruit : décryptage des droits et obligations, fiscalité, donation

Créé le 30/08/2024

11 min

Usufruit : décryptage des droits et obligations, fiscalité, donation

L'usufruit est une notion centrale en succession et transmission des biens. Si vous venez d'hériter de l'usufruit d'un bien immobilier, vous vous demandez probablement de quoi il s'agit. En quelques mots, cela signifie qu'en tant qu'usufruitier, vous avez la possibilité d’habiter le logement ou de louer pour en percevoir les revenus. Cependant, vous n'en êtes pas propriétaire. Mais alors, comment fonctionne l'usufruit ? Quelles sont vos obligations ? Quelle fiscalité s'applique ? Nous vous expliquons tout.

Que signifient les termes d'usufruit et pleine propriété ?

Pour bien comprendre l'usufruit, il faut s'intéresser à son lien avec les notions de pleine et nue-propriété.

Définition de l'usufruit : un terme clé du droit de propriété

En immobilier, le droit de propriété se décompose en trois attributs.

  • Le droit d'utiliser le logement démembré (l'habiter).
  • Le droit de tirer des revenus du bien immobilier (le louer).
  • Le droit de disposer de la maison ou de l'appartement (le vendre).

Avec le démembrement du droit de propriété, ces droits peuvent être accordés à différentes personnes. Ainsi, l'usufruitier est la personne autorisée à habiter ou louer le bien concerné. Le nu-propriétaire a le droit de le mettre en vente. L'usufruit est donc le droit d'utiliser un logement et d'en percevoir les revenus pendant une durée limitée, sans pour autant en être propriétaire. S'il est viager, il prend fin au moment du décès de l'usufruitier. S'il est temporaire, il se termine à la date décidée.

Il ne faut pas confondre l'usufruit d’un bien immobilier et le droit d'usage et d'habitation. Ce dernier est plus restreint, et ne permet pas de louer le bien.

Différences entre usufruit et pleine propriété

Comme expliqué, la pleine propriété est constituée de :

  • l'usufruit ;
  • la nue-propriété.

Le droit d'usufruit est donc une composante de la pleine propriété.

Droits sur le bien Pleine propriété Usufruit Nue-propriété
Vous pouvez habiter dans le bien Oui Oui Non
Vous pouvez louer le bien Oui Oui Non
Vous pouvez vendre le bien Oui Non Oui

Quelle différence entre propriétaire et usufruitier ?

La différence principale entre le propriétaire et l'usufruitier concerne leurs droits sur le bien immobilier. Le propriétaire en a plus. Il peut jouir des trois prérogatives du droit de propriété (utiliser le logement, le louer, le vendre). De son côté, l'usufruitier peut uniquement l'occuper ou le louer. Il ne peut pas vendre son droit à l'usufruitsans avoir obtenu l'accord préalable du nu-propriétaire.

Explication de la situation usufruit et de la nue-propriété

Plusieurs situations peuvent mener à devenir usufruitier ou nu-propriétaire.

Situations menant une personne à devenir usufruitier

D'abord, en tant que parent, vous disposez de l'usufruit sur les logements de vos enfants âgés de 16 ans ou moins. De leur côté, vos enfants en sont les nus-propriétaires. Ensuite, en tant que veuf ou veuve, le patrimoine de votre conjoint décédé(e) vous est légué en usufruit. Les enfants du défunt récupèrent la nue-propriété des biens concernés. Enfin, vous pouvez bénéficier d'un usufruit par testament, décision de justice, contrat de vente ou de donation.

Situation menant une personne à devenir nu-propriétaire

Le plus souvent, la nue-propriété d'un bien immobilier s'acquiert suite au décès d'un parent marié ou pacsé. L'usufruit du bien revient alors au conjoint survivant et la nue-propriété est transférée aux enfants. La nue-propriété du logement des parents est aussi accordée automatiquement aux mineurs de moins de 16 ans. Enfin, la nue-propriété peut résulter d'un contrat de vente, d'une donation ou d'un legs testamentaire. Investir dans la nue-propriété peut être un investissement en vue de préparer sa retraite.

Critères pour déterminer la valeur de l'usufruit

En fonction du type d'usufruit, deux méthodes existent pour calculer sa valeur financière.

Usufruit viager : l'âge de l'usufruitier

L'usufruit viager est le fait pour un vendeur de conserver le droit d'habitation et de location du bien et ainsi de prolonger son usufruit jusqu'à son décès. Si ce type d'usufruit peut provenir d'une vente, il peut aussi résulter d'une donation, d'une succession ou d'un apport en société. Dans le cas d'un usufruit viager, l'âge de l'usufruitier permet de calculer sa valeur. Cette dernière est évaluée par le biais du barème fiscal de l'article 669 du Code général des impôts. L'usufruit viager se poursuit toute la vie de l'usufruitier, puis s'éteint à sa mort.

Usufruit temporaire : la durée de l'usufruit

L'usage temporaire est constitué pour une durée déterminée en amont par les parties. L'âge de l'usufruitier n'est donc plus un critère. La valeur de cet usufruit est de 23 % de la valeur en pleine propriété du bien par tranche de 10 ans.

Principaux droits et obligations de l'usufruitier

Les droits et obligations de l'usufruitier sont listés dans les articles 582 à 616 du Code civil.

Utiliser et habiter le bien

L'usufruitier est autorisé à utiliser et habiter le bien. Il peut donc y vivre ou bien le louer.

Percevoir des revenus du bien

L'usufruitier peut également percevoir les revenus du bien immobilier (loyers) pendant toute la durée de l'usufruit.

Charges et frais à assumer

En parallèle à ces droits, l'usufruitier a quelques frais à assumer. En effet, il a l'obligation de payer les charges liées à la jouissance du bien. Il doit par exemple régler la taxe foncière, la taxe ou la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM ou REOM), s'il s'agit d'un bien immobilier.

Conservation du bien en bon état

L'usufruitier a aussi l'obligation de faire les réparations d'entretien. Les grosses réparations sont quant à elles à la charge du nu-propriétaire. L'usufruitier ne doit s'en acquitter que si elles résultent d'un manque d'entretien de sa part (art. 605 du Code civil). Les réparations concernées sont celles relatives au gros œuvre : réfection des murs extérieurs ou de refend, voûtes, poutres, couvertures entières, digues, murs de soutènement, clôture (art. 606 du Code civil).

Droits et devoirs du nu-propriétaire

De son côté, le nu-propriétaire a également des droits et devoirs à respecter.

Attentes face à l'usufruitier

Le nu-propriétaire a l'obligation de laisser l'usufruitier utiliser le bien comme il l'entend. Il doit respecter son droit d'occuper le logement ou de le mettre en location. De plus, le nu-propriétaire est tenu de prendre en charge les réparations d'envergure du bien immobilier.

Actions possibles pendant l'usufruit

Pendant l'usufruit, le nu-propriétaire a deux droits principaux. D'abord, il peut vendre sa nue-propriété. Cependant, il a besoin de l'accord de l'usufruitier pour vendre la pleine propriété du bien. Ensuite, le nu-propriétaire doit donner son accord à l'usufruitier pour que ce dernier puisse utiliser un bail rural, commercial, artisanal ou industriel.

Envisager la fin de l'usufruit

Préparer la fin de l'usufruit permet au nu-propriétaire de récupérer le bien dans de bonnes conditions. Ce dernier a trois options : il peut vendre, louer, habiter le bien ou le donner. Cependant, avant de disposer de la jouissance du bien immobilier, il doit effectuer des formalités juridiques et administratives. Pendant cette étape clé, les partis doivent interagir pour protéger leurs intérêts communs et propres.

Gestion et succession en cas d'usufruit

Plusieurs règles s'appliquent à la transmission de l'usufruit.

Cession temporaire de l'usufruit

La cession temporaire d'usufruit implique la vente du droit d'usage et de jouissance d'un bien pour une durée déterminée. Le produit de la cession est taxé à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des plus-values immobilières ou mobilières. Une fois le terme écoulé, l'usufruit temporaire prend fin et le cédant, s'il a conservé la nue-propriété, récupère la pleine propriété du bien.

Décès de l'usufruitier

Dans le cas d'un usufruit temporaire ou d’un usufruit viager, la pleine propriété est réunie entre les mains du nu-propriétaire au décès de l'usufruitier. Ce dernier récupère automatiquement la pleine propriété.

Usufruit du conjoint survivant

Pour que le conjoint survivant puisse bénéficier de l'usufruit, il doit être marié ou pacsé avec son conjoint et le demeurer jusqu'au décès du défunt. Après le décès, la succession peut faire l'objet d'un partage entre le conjoint survivant, les descendants et les ascendants. Si tous les descendants sont des enfants communs du couple, le conjoint survivant a le choix entre récupérer la totalité du patrimoine en usufruit ou le quart de la succession en pleine propriété. Dans ce dernier cas, il peut par la suite solliciter la conversion de son usufruit légal en une rente. Les enfants reçoivent la nue-propriété de l'intégralité de la succession ou bien les 3/4 en pleine propriété.

Donation d'une maison avec réserve d’usufruit

La donation avec réserve d'usufruit est un moyen de préparer votre succession, soutenir vos proches et anticiper la répartition de votre patrimoine. Il s'agit d'un acte juridique où de votre vivant, vous transmettez à titre gratuit la nue-propriété de votre bien immobilier tout en gardant son usufruit. On appelle cela la donation en nue-propriété.

Seuls les droits de donation doivent être payés. Leur montant dépend de l'âge du donateur et de la valeur de la nue-propriété. Plus le donateur est jeune, plus la valeur de la nue-propriété est faible et plus les droits de donation sont bas. Cependant, les abattements et les barèmes diffèrent selon le lien de parenté entre le donateur et le donataire. Il faut donc vérifier ces barèmes pour calculer les frais de donation.

Fin de l'usufruit

D'après l'article 617 du Code civil, l'usufruit peut prendre fin suite aux situations suivantes :

  • le décès de l'usufruitier ;
  • la fin du terme pour lequel il a été consenti ;
  • lorsque les attributs de nue-propriété et d'usufruit sont détenus par la même personne ;
  • quand le droit d'usufruit est inutilisé pendant 30 ans ;
  • en cas de perte totale du bien sur lequel l'usufruit a été établi.

Cas de révocation de l'usufruit

En plus des situations mentionnées ci-dessus, il est possible que l'usufruit prenne fin par révocation. La révocation peut résulter d'une renonciation volontaire de l'usufruitier. Dans ce cas, une lettre d'abandon d'usufruit doit être rédigée à destination du propriétaire du bien, en respectant les exigences légales et en incluant les informations essentielles. Selon les circonstances, elle peut nécessiter l'accord du nu-propriétaire.

La révocation peut aussi être prévue dans la loi ou le contrat. Par exemple, dans le cadre d'une donation avec réserve d'usufruit, le donateur peut se réserver le droit de révoquer l'usufruit dans certaines circonstances. [1]

Par exemple, l’usufruit peut s’arrêter en cas d’abus de jouissance ; soit en laissant dépérir le la propriété faute d’entretien, soit en commettant des dégradations sur le fonds.

Transformation de l'usufruit en pleine propriété

Pour que l'usufruitier puisse récupérer la pleine propriété du bien, il peut racheter la part de nue-propriété possédée par chaque nu-propriétaire. Il détient alors les deux composantes du droit de propriété : la nue-propriété et l'usufruit.

Fiscalité liée à l'usufruit

Quelques règles de fiscalité spécifiques s'appliquent à l'usufruit.

Impôts et taxes appliquées

L'usufruitier paie les impôts fonciers. Il déclare les revenus fonciers perçus de la location du bien sur sa déclaration d'impôt sur le revenu. S'il est assujetti au régime réel, il peut déduire les charges liées à l'exploitation locative du logement (travaux d'entretien, assurances, etc.).

De son côté, le nu-propriétaire ne perçoit aucun revenu foncier. Il n'est donc pas imposable sur les revenus générés par le bien démembré. Néanmoins, il peut notamment déduire de son revenu global le coût des gros travaux effectués sur le logement démembré.

Avantages fiscaux et contraintes

Le démembrement de propriété est prisé notamment pour ses avantages fiscaux. Il permet d'investir à moindre coût tout en diminuant le montant de ses impôts. En effet, le logement en usufruit n'est plus intégré dans le calcul du patrimoine immobilier du nu-propriétaire, notamment pour l'IFI.

De plus, il permet d'anticiper la transmission de son patrimoine. Lors du décès de l'usufruitier, le nu-propriétaire acquiert la pleine propriété du bien sans droits de succession à régler.

Cependant, il existe quelques contraintes fiscales. L'usufruitier doit payer l'impôt sur le revenu sur ses éventuels revenus fonciers et l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), si son patrimoine immobilier excède 1 300 000 €.

Barème fiscal de l'usufruit

Pour déterminer la valeur d'un usufruit viager, un barème fiscal est établi selon l'article 669 du Code général des impôts. Selon ce barème, la valeur de l'usufruit chute lorsque l'âge de l'usufruitier augmente. Voici un tableau illustrant le barème :

Âge de l'usufruitier Valeur de l'usufruit Valeur de la nue-propriété
Jusqu'à 20 ans 90% 10%
De 21 à 30 ans 80% 20%
De 31 à 40 ans 70% 30%
De 41 à 50 ans 60% 40%
De 51 à 60 ans 50% 50%
De 61 à 70 ans 40% 60%
De 71 à 80 ans 30% 70%
De 81 à 90 ans 20% 80%
À partir de 91 ans 10% 90%

Calcul de la valeur de l'usufruit

Le calcul de la valeur de l'usufruit dépend du type d'usufruit.

  • Valeur d'un usufruit viager = pourcentage de l'usufruit selon l'âge de l’usufruitier  x valeur totale du bien démembré.
  • Valeur d'un usufruit temporaire = pourcentage de la durée de l'usufruit x valeur de la pleine propriété.

Quelle est la durée légale de l'usufruit ?

Par définition, l'usufruit est un droit temporaire. Il existe trois durées possibles pour un usufruit. D'abord, s'il n'est pas accordé à des particuliers, il ne dure que 30 ans. Puis, s'il est accordé à un tiers jusqu'à un âge fixe, il dure jusqu'à cet âge, à moins que le tiers ne décède avant. Enfin, le décès de l'usufruitier conduit aussi à la fin de l'usufruit.

Calcul de l'imposition en cas de donation en nue-propriété :

Vous possédez une maison d'une valeur de 300 000 €. Vous souhaitez en faire don à votre fille unique. Aujourd'hui vous avez 55 ans.

Le calcul se réalisera donc ainsi :

1/ Application du barème fiscal :

300 000 * 50 % = 150 000 €

2/ Application de l'abattement fiscal dans le cadre d'une donation en nue-propriété

150 000 – 100 000 = 50 000 €

L'imposition relative à cette donation est calculée uniquement sur 50 000 €.

Tableau des abattements en matière de donation

Selon certaines conditions un ou plusieurs abattements peuvent s’appliquer. Son montant dépend du lien de parenté entre le bénéficiaire de la donation et le donateur.

Lien de parenté Montant de l’abattement
Époux ou partenaire de Pacs 80,724 €
Enfant 100 000 €
Petit-enfant 31 865 €
Arrière-petit-enfant 5 310 €
Frère ou sœur 15 932 €
Neveu ou nièce 7 967 €

Source : Quels sont les droits à payer sur une donation selon le lien avec le donateur ? | Service-Public.fr

A noter

Certaines donations sont exonérées de droits de donation sous certaines conditions. [2]

FAQ - Questions fréquentes sur l'usufruit

Quelle est la durée légale de l'usufruit ?

Par définition, l'usufruit est un droit temporaire. Il existe trois durées possibles pour un usufruit. D'abord, il est accordé uniquement aux personnes morales, pour une durée de 30 ans. Puis, s'il est accordé à un tiers jusqu'à un âge fixe, il dure jusqu'à cet âge, à moins que le tiers ne décède avant. Enfin, le décès de l'usufruitier conduit aussi à la fin de l'usufruit.

Quel est l'impact du démembrement sur la succession ?

Au moment de la donation de la nue-propriété, l'enfant ne s'acquitte des droits de mutation à titre gratuit que sur la valeur de la nue-propriété, généralement bien inférieure à la valeur totale du bien. Un abattement de 100 000 € s'applique tous les 15 ans sur le montant du don. Lors du décès de son parent, l'enfant en récupère automatiquement la pleine propriété, sans avoir à payer de droits de succession sur l'usufruit.

En principe, le nu-propriétaire n'est pas tenu de déclarer le bien démembré à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). L'usufruitier, de son côté, déclare sa valeur en pleine propriété. Toutefois, dans certaines situations, une répartition de l'imposition entre usufruitier et nu-propriétaire est réalisée selon le barème fiscal. C'est notamment le cas si le conjoint survivant bénéficie d'un usufruit légal.

Quels sont les rôles des tiers dans la gestion de l'usufruit ?

Les tiers peuvent jouer un rôle important dans la gestion de l'usufruit. C'est le cas du notaire et de l'administrateur. Leur aide est nécessaire lorsque des dispositions spécifiques doivent être prises. Ils aident aussi les parties lors d'un conflit. Le notaire et l'administrateur donnent des conseils juridiques, établissent des actes juridiques et assurent une gestion efficace du logement en usufruit.

L'usufruit est un concept crucial à comprendre si vous héritez d'un bien immobilier. Effectivement, il régit vos droits et obligations vis-à-vis de cet actif. Le démembrement du droit de propriété a aussi des implications fiscales. Il est donc essentiel de comprendre le fonctionnement de l'usufruit pour gérer au mieux votre patrimoine et respecter vos obligations fiscales.

[1] Section 3 : Comment l'usufruit prend fin (Articles 617 à 624) - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

[2] Quels sont les droits à payer sur une donation selon le lien avec le donateur ? | Service-Public.fr

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