Vous faites partie d’une entreprise ou d’un corps de métier qui obéit à un cadre distinct de celui du régime général de la Sécurité sociale ? Voici les informations essentielles qu’il convient d’appréhender à ce sujet. Cet article vous permettra d'identifier les différents régimes spéciaux de retraite et leurs avantages. Un focus sur l'avenir de certains de ces régimes vous est également proposé à la suite de la réforme des retraites entrée en vigueur le 1er septembre 2023. Quels sont les régimes spéciaux de retraite qui ont été supprimés après les décrets du 30 juillet 2023 ?
- Quels sont les différents régimes spéciaux de retraite ?
- Pourquoi existe-t-il différents régimes spéciaux de retraite ?
- Quels sont les avantages des régimes spéciaux ?
- Quelle est l'évolution des différents régimes de retraite au fil des réformes ?
- Quel avenir pour les régimes spéciaux et que contient la nouvelle réforme des retraites de 2023 ?
Quels sont les différents régimes spéciaux de retraite ?
La question de la retraite est sans conteste un sujet important en France, même si elle apparaît difficile à cerner dans ses multiples dimensions. Pour que vous puissiez facilement savoir de quoi il s’agit, il est primordial de connaître les différents régimes spéciaux de retraite. À l’heure actuelle, coexistent, en plus du régime général et du régime agricole, de nombreux régimes spéciaux de retraite. Ces derniers sont répartis en 3 catégories distinctes : le régime de la Fonction publique pour les fonctionnaires civils et militaires, le régime des entreprises et établissements publics (SNCF, RATP, anciennement EDF-GDF, etc.) et les autres régimes, qui concernent spécifiquement les employés d'une entreprise ou une profession. Ils concernent, par exemple :
- les fonctionnaires d'État (magistrats, militaires, etc.), qui relèvent du Code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) ;
- les salariés de la SNCF, gérée par la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF (CPCMR) ;
- les clercs et employés de notaire gérés par la caisse de Retraite et Prévoyance des Clercs et Employés de Notaires (CRPCEN) ;
- les salariés de la RATP avec la caisse de Retraite du Personnel de la RATP (CRPRATP) ;
- les marins avec l’Établissement National des Invalides de la Marine (ENIM), gérés par la CMR, Caisse de retraite des marins ;
- les employés des régies EDF-GDF des Industries Électriques et Gazières avec la caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières (CNIEG) ;
- les ministres des Cultes avec la caisse d’Assurance Vieillesse et Maladie des Cultes (CAVIMAC) ;
- les parlementaires du Sénat avec la caisse de retraite des anciens sénateurs, qui repose sur la caisse autonome de Sécurité sociale du Sénat ;
- les parlementaires de l’Assemblée Nationale avec le régime de retraite de l'Assemblée nationale, qui repose sur le Fonds de sécurité sociale de l’Assemblée Nationale, aligné depuis le 1er janvier 2018, sur celui de la Fonction Publique d’État ;
- les salariés des Mines avec la caisse des Dépôts et Consignations - Retraite des Mines ;
- les ouvriers des établissements industriels de l’État avec le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) ;
- les salariés de l’Opéra National de Paris avec la caisse de Retraite des Personnels de l’Opéra de Paris ;
- les salariés de la Comédie Française avec la Caisse de retraite du personnel de la Comédie-Française (CRPCF) ;
- les salariés du Port autonome de Bordeaux, géré par la Caisse de prévoyance du personnel titulaire du port autonome de Bordeaux ;
- le régime des agents des collectivités locales, géré par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL)
- les employés de la banque de France, avec le régime de la Banque de France.
Pourquoi existe-t-il différents régimes spéciaux de retraite ?
Les régimes spéciaux de retraite prévoient des règles différentes de celles du régime général et qui sont souvent plus avantageuses que celles régissant le devenir de la majorité des Français. Pour en connaître la raison d’être ainsi que les tenants et aboutissants, il est utile de remonter le fil de l’histoire. Effectivement, la grande majorité de ces régimes spéciaux de retraite ont précédé la création du régime général de retraite et la Sécurité sociale, qui datent de 1945.
Un système de pension qui fidélise ses agents
Mis en place de façon statutaire ou par négociations syndicales, ces régimes spéciaux contrecarrent, pour la plupart, des niveaux de rémunération plus faibles en début de carrière ou des conditions de travail particulièrement pénibles. Ils étaient également un moyen pour les patrons de fidéliser leurs employés.
Si certains de ces régimes ne couvrent que la pension de retraite de leurs cotisants, d'autres assurent l'intégralité de leur protection sociale. C'est notamment le cas du régime des marins par exemple, qui bénéficient d'une assurance maladie spécifique. C'est également le cas des parlementaires, avec le Fonds de Sécurité sociale de l'Assemblée nationale ou la Caisse autonome de Sécurité sociale du Sénat.
Exemple du régime spécial de retraite de la SNCF
Par exemple, s’agissant de la SNCF, il faut savoir que ce régime spécial a été institué en 1909. Et pour cause, en 1850, les premières compagnies de chemins de fer en France ont créé leurs propres régimes de retraite pour les cheminots qui sont unifiés en 1909. Par ailleurs, la SNCF a été la première entreprise à créer ce régime spécial de retraite. Cela a ouvert la voie à nombre d’autres entreprises et corps de métiers. C’est dans cet état d’esprit que de nombreux régimes spéciaux de retraite ont pu voir le jour.
Quels sont les avantages des régimes spéciaux ?
Ces différents régimes spéciaux de retraite présentent différents avantages.
L’âge légal de départ à la retraite
Bien que l'âge légal de départ soit normalement fixé à 62 ans, les assurés qui exercent un travail à risque peuvent partir en anticipée à la retraite, c'est-à-dire avant l'âge légal. Par exemple, les policiers, les contrôleurs aériens ou les gardiens de prison peuvent prendre leur retraite dès 52 ans. Quant aux douaniers, éboueurs ou encore les aides-soignants, ils peuvent envisager un départ à la retraite en anticipé à compter de leurs 57 ans.
Tableau d’âge de départ à la retraite pour les fonctionnaires de la catégorie active
Depuis le 1er septembre, si vous êtes fonctionnaires de la catégorie active, par exemple : infirmier, les aide-soignant, instituteur, … vous verrez votre âge de départ à la retraite passer de 57 à 59 ans. La durée de services effectifs exigée n’est pas modifiée. Elle reste à 15 et 17 ans.
Age légal pour la catégorie active | ||
Date de naissance | Age de départ avant la réforme du 1er septembre 2023 | Age de départ après le 1er septembre 2023 |
Avant le 1er septembre 1966 | 57 ans | 57 ans |
Entre le 1er septembre 1966 et le 31 décembre 1966 | 57 ans | 57 ans et 3 mois |
1967 | 57 ans | 57 ans et 6 mois |
1968 | 57 ans | 57 ans et 9 mois |
1969 | 57 ans | 58 ans |
1970 | 57 ans | 58 ans et 3 mois |
1971 | 57 ans | 58 ans et 6 mois |
1972 | 57 ans | 58 ans et 9 mois |
1973 | 57 ans | 59 ans |
Source : Age légal de départ à la retraite | CNRACL (retraites.fr)
Tableau d’âge de départ à la retraite pour les fonctionnaires dans la catégorie super active ou catégorie super active dite « insalubre »
Par exemple, si vous êtes policier, contrôleur aérien, gardiens de prison ou agent des réseaux souterrains des égouts, vous pouvez prendre votre retraite entre 52 et 54 ans selon votre date de naissance et devez avoir accompli un nombre minimum d’années de service actif ou insalubre.
Age légal pour la catégorie super active | ||
Date de naissance | Age de départ avant la réforme du 1er septembre 2023 | Age de départ après le 1er septembre 2023 |
Avant le 1er septembre 1971 | 52 ans | 52 ans |
Entre le 1er septembre 1971 et le 31 décembre 1971 | 52 ans | 52 ans et 3 mois |
1972 | 52 ans | 52 ans et 6 mois |
1973 | 52 ans | 52 ans et 9 mois |
1974 | 52 ans | 53 ans |
1975 | 52 ans | 53 ans et 3 mois |
1976 | 52 ans | 53 ans et 6 mois |
1977 | 52 ans | 53 ans et 9 mois |
1978 | 52 ans | 54 ans |
Dans la catégorie dite « insalubre », la durée des services effectifs exigée reste fixée à 12 ans de services dans les réseaux souterrains homologués dont 6 ans consécutifs et 32 ans de services effectifs.
La pénibilité du travail est également un élément qui justifie l'avancement de l'âge du départ à la retraite pour les employés de certaines professions. C'est le cas notamment des employés des industries électriques et gazières, des cheminots ou des employés des mines, à la condition d’avoir validé un nombre de trimestres suffisant.
Le calcul de la pension pour les régimes spéciaux de retraite
Pour les régimes spéciaux, le mode de calcul de la pension de retraite est différent du calcul effectué pour les employés qui dépendent du régime général. Il est important de noter que le calcul de la pension de retraite sera plus intéressant que dans une perspective classique. Il n’est pas basé sur les 25 dernières années de cotisations sociales, comme cela peut être le cas avec le régime général. Pour les fonctionnaires et les cheminots, le calcul est fait uniquement sur la base des éléments de rémunération des six derniers mois avant la cessation des fonctions. Ne prenant en considération que le court laps de temps pendant lequel ils sont demeurés aux échelons les plus hauts de leur grille salariale, le système est particulièrement avantageux.
Pour les marins, le calcul sera fait sur la base d’un salaire forfaitaire théorique correspondant à la catégorie dans laquelle ils étaient classés pendant les trois dernières années. Pour eux aussi, le système peut être avantageux.
La durée de cotisation
La durée de cotisation sociale est également différente de celle des salariés dépendant du régime général de retraite. En effet, s’il fallait jusque-là valider 168 trimestres, soit 42 ans de sa vie active pour bénéficier d’un départ sans décote dans le régime général, il ne faut par exemple que 37,5 ans dans le cadre de certains des régimes spéciaux. Cela diffère effectivement selon les régimes et l’année de naissance de l’assuré.
D'ici 2027, les salariés devront tous valider 172 trimestres pour prétendre à l'ouverture de leurs droits de retraite. Cependant, cette mesure sera progressive, le temps de cotisation ne s'allongeant que de 3 mois, soit un trimestre par an, à compter de 2023. Les bénéficiaires des régimes spéciaux de retraite ne seront quant à eux concernés par cette mesure qu'à partir de 2025. Pour eux aussi, la mise en place en sera progressive, selon le même rythme que pour les salariés du régime général.
Quelle est l'évolution des différents régimes de retraite au fil des réformes ?
Si la réforme de 2023 semble sonner le glas de certains régimes spéciaux, des avantages avaient déjà été affectés par les précédentes réformes.
La réforme de 2010 et la modification de l'âge de la retraite
En 2010, la réforme des retraites portait essentiellement sur l'âge légal de départ à la retraite. Celui-ci était dès lors porté de 60 à 62 ans pour les salariés dépendants du régime général. Les salariés des régimes spéciaux ont connu le même relèvement de l'âge de départ, avec un décalage, en 2017.
La réforme de 2014 et l'allongement des cotisations
En 2014, la réforme des retraites a allongé la durée des cotisations requises pour les régimes spéciaux au même niveau que le régime général. Le nombre de trimestres de cotisations ouvrant droit à la retraite était alors porté à 172, soit 43 années, pour une retraite à taux plein, pour les personnes nées à partir de 1973.
La réforme de 2023 pour l'équilibre du système des retraites
La réforme des retraites de 2023 a pour ambition de restaurer l'équilibre financier du système des retraites à l'horizon 2030. Pour cela, la loi prévoit l'homogénéisation des règles régissant le moment du départ à la retraite et le calcul de la pension, ainsi que la fin de quelques-uns des principaux régimes spéciaux de retraite.
Quel avenir pour les régimes spéciaux et que contient la nouvelle réforme des retraites de 2023 ?
Malgré la volonté annoncée d'homogénéisation de la réforme, tous les régimes spéciaux de retraite ne sont pas impactés de la même façon par la réforme de 2023. Alors que les quatre principaux sont supprimés, la plupart des autres voient leurs conditions s'aligner progressivement sur le régime général.
Liste des régimes spéciaux concernés par une suppression
Dans un souci d’égalité et de justice sociale, la réforme adoptée le 20 mars 2023 prévoit la suppression progressive des principaux régimes spéciaux. Les décrets adoptés le 30 juillet 2023 actent la fin des cinq régimes suivants :
- celui des salariés de la RATP (Régime autonome des transports parisiens) qui sont affiliés à la caisse de retraite CRP RATP ;
- celui des salariés des industries électriques et gazières (EDF, etc.) qui sont affiliés à la caisse de retraite CNIEG ;
- celui des salariés de la Banque de France qui sont affiliés à la caisse Retraite Banque de France ;
- celui des clercs et employés de notaires qui sont affiliés à la caisse de retraite CRPCEN ;
Les nouveaux embauchés recrutés depuis le 1er septembre 2023 dans ces branches sont affiliés au régime général pour la retraite : c'est ce que l’on appelle la "clause du grand-père". C'est-à-dire que les agents les plus anciens sont protégés et conservent leurs avantages, au moins durant les deux prochaines années. La mise en œuvre progressive de la réforme des retraites lissera ensuite les avantages des employés déjà en activité jusqu'à les aligner à ceux du régime général.
Comment les autres régimes spéciaux de retraite vont-ils s'aligner sur le régime général ?
Alors que l'âge légal de départ en retraite était de 62 ans, il est relevé à 62 ans et 4 mois puis le sera de 4 mois par an pour atteindre 64 ans à partir de 2027. Il s'agit désormais d'un âge d'équilibre. Cela signifie que si vous partez avec toutes vos annuités avant 64 ans, chaque année manquante entraînera une décote de 5 %. Inversement, toute année supplémentaire effectuée après l'âge d'équilibre donnera lieu à une surcote de 5 %.
Cette mesure sera effective pour le régime général dès 2023. Pour les employés dont les retraites sont régies par des caisses spéciales, cette mesure entrera en vigueur deux ans plus tard, soit à compter de 2025. Cependant, pour les uns comme pour les autres, la mise en œuvre sera progressive et n'affectera pas ceux qui peuvent prétendre à l'ouverture de leurs droits de retraite très prochainement.
Progressivement, les régimes spéciaux vont donc disparaître sans pour autant affecter les personnes déjà retraitées et les personnes nées avant :
- le 1er janvier 1975 pour un départ en retraite à 62 ans ;
- le 1er janvier 1977 pour un départ à 60 ans ;
- le 1er janvier 1980 pour un départ à 57 ans ;
- le 1er janvier 1982 pour un départ à 55 ans ;
- le 1er janvier 1985 pour un départ à 52 ans ;
- le 1er janvier 1987 pour un départ à 50 ans.
Les régimes spéciaux de retraite qui ne sont pas concernés par la réforme
Malgré la volonté d'unification et d'homogénéisation des systèmes de retraite orchestrée par la réforme des retraites 2023, une dizaine de régimes spéciaux ne sont pas concernés par la réforme.
En effet, il s’agit notamment des régimes spéciaux de retraite des Marins, de l'Opéra de Paris ou de la Comédie française, ainsi que les régimes autonomes des professions libérales.
Des mesures spécifiques concernant tous les régimes de retraite
La réforme des retraites de 2023 a la volonté d'unifier et d'homogénéiser les différents systèmes de retraite existant jusque-là. Cependant, quelques mesures sont prévues pour prendre en considération certaines particularités des travailleurs. Ces mesures concernent aussi bien les prétendants à la retraite dépendant d'un régime spécial que ceux relevant du régime général.
Le dispositif carrière longue
Le dispositif carrière longue permet à ceux qui ont commencé à travailler très jeunes de bénéficier d'une retraite anticipée. À condition d'avoir un nombre suffisant de trimestres validés pour atteindre le taux plein, les personnes concernées pourront anticiper leur départ à la retraite. En fonction de l'âge auquel elles ont commencé à travailler (avant 16, 18, 20 ou 21 ans), elles pourront partir à 58, 60, 62 ou 64 ans.
Le dispositif en faveur des aidants familiaux
Le système accroît la reconnaissance des aidants en élargissant le dispositif déjà existant. Désormais, à toute personne s'étant engagée personnellement pour aider un proche, que celui-ci soit de la même famille ou non, 8 trimestres seront pris en compte à ce titre.
À noter par ailleurs la différence existante entre trimestres cotisés (travaillés) et trimestres validés. Les temps de chômage ou d'aides familiales entrant alors dans les trimestres non cotisés, mais validés pour le calcul de la durée de cotisation.